Romans pour adultes

Betty – Tiffany McDaniel

J’ai tant à dire sur « Betty » que tout se mélange. Betty, c’est une petite fille que l’on voit grandir. Sixième d’une famille de huit enfants. Née d’un père Cherokee et d’une mère blanche, elle est la plus noire de peau et dans les années soixante qui la voient grandir, personne ne lui laissera oublier que la couleur de peau est importante.
Son père enchaîne les petits boulots et, pour fuir le racisme, il fini par s’installer à son compte, proposant des services, remèdes et tisanes. Il apprend à ses enfants à travailler la terre, à se servir de tout ce que la nature peut offrir et à la respecter. « Notre église c’est la nature ».

Betty grandit entre sa place de petite sœur qui regarde les aînés et grande sœur que les plus petits suivent avec attention. Elle apprend des secrets de famille et enterre ces douleurs et chagrins dans des bocaux.
Elle apprend qu’être une femme ce ne sera jamais être l’égal d’un homme, même pas dans sa famille où les loups rôdent.

« Avant le christianisme, les Cherokees étaient fiers de leur société matriarcale et matrilinéaire. Les femmes étaient à la tête de la famille, mais le christianisme a donné aux hommes un rôle prédominant. À la suite de ce bouleversement, les femmes ont été écartées de la terre qu’elles avaient possédée et cultivée. On leur a donné un tablier et on leur a signifié que leur place était à la cuisine. Aux hommes, qui avaient toujours été des chasseurs, on a dit qu’ils devaient maintenant travailler dans les champs. Les Cherokees ont vu leur mode de vie traditionnel éradiqué, de même que la répartition des rôles entre les deux sexes, qui avait permis aux femmes d’occuper une place aussi importante que celle des hommes. « 

Betty consigne les récits et invente des histoires. Elle garde trace pour qu’on n’oublie pas les Carpenter.

« Mon fantôme, c’est un petit garçon en train de sucer des glaçons sur la balancelle et de se servir de rouge à lèvres de Flossie pour dessiner de jolies cavernes sur le mur de notre chambre.  « 

Je suis rentrée dedans dès les premières lignes et je ne l’ai pas lâché pendant dix jours. Tiffany McDaniel a le genre d’écriture qui nous emporte en un instant et dans laquelle on replonge à chaque instant de pause. C’est beau et doux le temps que ça dure et puis c’est un déchirement quand vient la fin. Betty me manque déjà tant.

Il ne faut toutefois pas penser que c’est un roman qui ne nous ferait que du bien. Il est souvent très dur, la famille connaissant son lot de malheurs. Cruel aussi souvent. Certaines scènes sont à la limite du supportable, j’ai parfois du m’arrêter pour respirer. « Rien ne leur sera donc épargné » voilà ce que j’ai pensé. Mais c’est un roman qui a beaucoup à dire, sur le racisme notamment, mais surtout sur ce que les hommes infligent aux femmes et comment les femmes continuent à vivre, sans toujours gagner.

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