Le consentement Vanessa Springora
Romans pour adultes

Le Consentement – Vanessa Springora

« A vrai dire, je suis surprise qu’avant moi aucune autre femme, jeune fille à l’époque, n’ait écrit pour tenter de corriger la sempiternelle succession de merveilleuses initiations sexuelles de G. déroule dans ses textes. J’aurais aimé qu’une autre le fasse à ma place. Elle aurait peut-être été plus douée, plus habile, plus dégagée aussi. Et cela m’aurait sans doute soulagée d’un poids. Ce silence semble corroborer les dires de G., prouver qu’aucune adolescente n’a jamais eu à se plaindre de l’avoir rencontré. « 

Après une adolescence sous l’emprise d’un pédocriminel, après avoir été exposée dans ses romans, journaux intimes et correspondances, Vanessa Springora a du trouver le courage de prendre les armes pour mettre un terme à la volonté d’emprise de Gabriel Matzneff.

« Ce qui caractérise les prédateurs sexuels en général, et les pédocriminels, en particulier, c’est bien le déni de la gravité de leurs actes. Ils ont coutume de se présenter soit comme des victimes (séduites par un enfant, ou une femme aguicheuse), soit comme des bienfaiteurs (qui n’ont fait que du bien à leur victime). »

J’aurais pu souligner plus de la moitié du Consentement de Vanessa Springora, tant ce livre est important. Il est bien sûr et avant tout important pour elle, pour qu’enfin elle puisse livrer sa version d’une histoire qui a été réécrite et sur laquelle il n’y a jamais eu qu’un côté, celui du prédateur – qui n’a bien sûr jamais été présenté comme tel.
Je ne peux imaginer la force que la rédaction et, surtout, la publication de ce livre a du lui demander et la trouille, l’angoisse, les souvenirs qu’elle a du retraverser. J’espère que l’accueil qui lui est réservé et l’enquête qui s’ouvre enfin sur Gabriel Matzneff sauront lui rendre autant de forces qu’elle nous en a donné à toutes.

Car c’est un livre nécessaire pour notre société, pour qu’enfin la question du consentement soit examinée et que l’on cesse de marcher dessus dès qu’une plainte est déposée ou qu’un procès – même s’ils sont encore trop rares – a lieu. Pour qu’on ne vienne plus nous demander si on ne l’avait pas un peu cherché, si on n’était pas habillée de manière provocante, si on a bien dit non et si, par hasard, y aurait pas eu des témoins qui auraient pu l’entendre, ce non.

Pour que la société ose regarder la pédocriminalité en face comme un crime qui se déroule partout, dans tous milieux, parfois sous nos propres yeux, souvent au sein même de nos familles. Pour que l’on cesse de brandir la menace de la camionnette blanche qui suit les enfants, du viol dans une ruelle sombre.

Vanessa Springora a déposé sa version de l’histoire sur la place publique et si son livre s’est transformé en bombe, c’est uniquement par le regard gêné de ceux qui savaient mais n’ont pas voulu voir, de ceux qui n’ont pas voulu contester publiquement, de ceux qui se sont retranchés derrière la fiction, les apparences, l’assurance d’un homme qui savait exactement ce qu’il faisait. De ceux qui disent encore que « c’était une autre époque ».

Ceci est probablement le billet le plus brouillon que j’ai jamais publié mais Sauvages étant avant tout mon blog et le carnet des livres qui comptent et qui font bouger les lignes, je me devais d’en garder une trace même si l’émotion est trop présente.

Un immense merci à Vanessa Springora pour son histoire, sa voix, son courage.

« Pour me donner du courage, j’ai fini par m’accrocher à ces arguments : si je voulais étancher une bonne fois pour toutes ma colère et me réapproprier ce chapitre de mon existence, écrire étant sans doute le meilleur des remèdes. Plusieurs personnes me l’avaient déjà suggéré au fil des années. D’autres au contraire avaient essayé de m’en dissuader, dans mon intérêt. »

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