Romans pour adultes

Maine – J. Courtney Sullivan

Maine - J. Courtney SullivanLivre de poche, 2014 - Prix : 8,3€ISBN : 978-2253174936

Les romans de J. Courtney Sullivan sont des romans chorals. Dans Les Débutantes, ses héroïnes étaient liées par l’amitié alors que dans Les liens du mariage, le trait d’union entre les différents personnages était bien plus subtile, sous la forme du mariage et du diamant censé représenter la promesse d’union.

Maine est un roman familial dans lequel le lecteur rencontre quatre femmes d’une même famille. Quatre femmes qui n’ont pas forcément des liens très forts, qui ne se téléphonent ni ne se voit pas très souvent, mais qui sont liées par leur arbre généalogique et une terre, un domaine dans le Maine en bord de mer où la famille a toujours passé ses étés.

Alice est la matriarche de la famille. A 80 ans passé, veuve depuis plusieurs années, c’est désormais elle qui est aux commandes – même si sa famille commence à la voir comme une vieille femme qu’il faut surveiller et presque contrôler. Alice n’est pas très famille ; peut-on dire qu’elle n’a jamais aimé ses enfants ? Elle ne les a en tout cas jamais désiré. Si elle est devenue mère, c’est parce que son mari rêvait d’une famille. Et pour une autre raison aussi ; quelque chose qu’elle voulait rattraper. Car Alice vit depuis toujours dans la culpabilité et n’a eu de cesse de chercher à absoudre ses pêchés. Et c’est pour cela qu’aujourd’hui, elle a décidé de changer le bénéficiaire de son testament et léguera tous ses biens à la paroisse de Saint Michael.

Ann Marie est sa belle-fille, la « pièce rapportée » de la famille. C’est peut-être pour cela qu’elle est toujours si polie et prévenante avec sa belle-mère – à moins que ce ne soit parce qu’elle espère que la maison du Maine reviendra à son mari et elle. Pièce rapportée, peut-être, mais elle fait tout de même partie de cette famille depuis 35 ans alors à ses yeux, elle a autant de crédibilité que n’importe qui.
Comme sa belle-mère, Ann Marie a des valeurs très traditionnelles. Il ne faut surtout pas dénoter, sortir du rang, quitte à cacher un peu la vérité aux autres. L’apparence prime et il faut tout faire pour la sauvegarder. Car Ann Marie aime ce qui est net, ce qui est beau. C’est peut-être aussi pour cela qu’elle s’est découvert une passion pour la décoration intérieure des maisons de poupée. Un hobby qui trouve une place grandissante dans sa vie, peut-être parce que cela lui permet d’être dans un monde où elle peut tout contrôler.

Kathleen est la fille aînée d’Alice. L’incomprise, la mal-aimée. Divorcée (horreur !), elle a élevé ses deux enfants seule et s’est aujourd’hui remise en couple avec un homme qui a su l’aider à chasser ses vieux démons. Ils sont heureux, ont leur propre ferme d’élevage de vers à engrais et même si c’est un sujet de moquerie dans sa famille, ils s’en sortent très bien.
Elle était très proche de son père qui était le pilier familial, celui qui gardait le bateau à flots. Depuis sa mort, les faux-semblants sont terminés. Sa mère, qui n’a jamais caché tout le mal qu’elle pensait d’elle, ne retient plus ses piques. C’est pourquoi Kathleen a décidé de la voir le moins possible et n’est plus retournée dans le Maine depuis dix ans – même si sa belle-sœur continue de lui réserver le mois de juin chaque année.

Maggie est la fille de Kathleen, petite-fille d’Alice. Elle a la petite trentaine, vit à New York comme écrivaine salariée pour un programme de télévision et entretient le rêve de devenir un jour une « vraie » écrivaine. Après des années de relation chaotique avec Gabe, elle vient de se faire larguer par ce connard. Pour un mieux, disent les autres. Au fond d’elle, elle sait qu’ils ont raison, mais il faudra le temps de soigner ses blessures et de guérir de cette rupture. Ce serait peut-être plus aisé si elle n’était pas enceinte de lui (ce qu’il ne sait pas encore), c’est sûr, mais elle a décidé de garder le bébé. C’est la seule chose dont elle est sûre pour l’instant et elle aura bien besoin de cet été pour réfléchir au calme et préparer sa vie future.

Mon avis

Les personnages de J. Courtney Sullivan sont quatre femmes fortes de caractère. Elles ont toutes une vision bien différente de la famille et des valeurs qu’elles entendent incarner. Cette différence d’opinion n’est peut-être pas l’aspect le plus agréable des relations familiales mais c’est à court sûr le plus intéressant.

On retrouve dans Maine les « clichés » de la famille : vieilles rancunes, secrets de famille, jugements, … mais l’auteur ne tombe jamais dans les clichés. Chaque famille a ses secrets et c’est bien normal, on n’est pas obligé de tout se dire sous prétexte que le même sang coule dans nos veines. Dans Maine, le passé se dévoile petit à petit au moyen de flashbacks. Les éclats de voix ne sont pas omniprésents ; il y aura bien sûr des scènes de famille mais pas seulement – il faut tout de même rester digne !

C’est un très bon roman, avec des personnages qui ont tous leur place propre, leur importance et leur caractère plus ou moins attachant. Chacune m’a énervé à un moment ou à un autre mais toutes se révèlent attachantes une fois que l’on en apprend plus sur leur vécu et valeurs.
Un roman et une auteur que je ne peux que vous conseiller !

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