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Mamas : petit précis de déconstruction de l’instinct maternel – Lili Sohn

Après avoir parlé de son cancer du sein dans sa trilogie La guerre des tétons, après avoir examiné l’anatomie féminine dans Vagintonic, Lili Sohn aborde dans Mamas la question de la maternité et de l’instinct maternel.

Mamas : petit précis de déconstruction de l’instinct maternel, voilà un titre qui présente bien son sujet.
L’instinct maternel, qu’est-ce que c’est ? Existe-t-il seulement ? Sommes-nous, en tant que femmes, des animaux guidés par nos hormones qui font des enfants non pas par véritable choix mais parce qu’elles sont programmées pour ?

A l’annonce de la stérilité qui pourrait peut-être subvenir suite à la chimio, Lili Sohn, qui n’avait jusqu’alors pas trop réfléchi à la maternité, a soudain eu très envie d’un bébé. Cette réaction était-elle classique ? D’où cette envie viscérale venait-elle ? Pourquoi, tout à coup, ne pensait-elle plus qu’à cela ?

Très vite, d’autres questions se sont posées, auxquelles elle a voulu chercher des réponses. Et notamment une assez importante : devenir mère est-il antiféministe ? Dans toutes ses lectures féministes, elle n’a jamais croisé la route de la maternité. Les féministes n’évoquent-elles jamais leur éventuel statut de mère parce qu’elles considéreraient cela comme une trahison de la cause ? Ou parce que la maternité serait un piège ?

J’ai adoré cette bande dessinée. Je m’y suis beaucoup retrouvé et j’ai surtout apprécié de voir enfin couché sur papier des choses que j’ai eu bien du mal à avouer au début, en tant que mère, et dont je n’ai jamais entendu personne ou presque parler. Et si j’avais fait une bêtise en voulant être mère ? Et si je n’aimais pas mon enfant ? Et si je regrettais ma vie d’avant ? Tout comme cette immense terreur la première fois que l’on se retrouve seule avec son enfant – et les premiers mois en général.

Lili Sohn ose parler de tout cela, de ses peurs, de sa colère lorsqu’elle se rend compte que c’est d’elle que l’on attend beaucoup de choses comme si d’instinct (on y revient) elle allait savoir quoi faire et comme si c’était tout à fait normal qu’elle fasse tout alors que l’on attend rien de son mec. Il lève le petit doigt ? Waouw super, quel homme parfait, quel super papa ! Elle fait la même chose ou même dix fois plus ? Oui bah et alors ?

Quelle jeune maman ne s’est pas rendue compte du déséquilibre complet de la balance de la parentalité ? Quelle jeune maman n’a pas souhaité devenir, l’espace d’un instant ou à durée indéterminé, un jeune papa ? Un jeune papa qui aurait le droit de ne pas savoir, le droit d’être fatigué, le droit de ne pas se lever la nuit, de ne pas avoir envie de passer tout son temps avec son enfant ?

Et si on ne désire pas d’enfant ? Là aussi, c’est toute une histoire …

La maternité, on en parle finalement peu. Et est-ce que ce ne serait pas parce que dénoncer les dysfonctionnement de notre société autour de cette question, reviendrait à tirer sur le fil qui dépasse du pull du patriarcat ? Non, bien sûr, on ne serait pas en train de se faire entuber, hein ? HEIN ?

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