Romans pour adultes

La fragilité des funambules – Verena Hanf

Adrianna vit à Bruxelles depuis quelques années. Migrante roumaine, elle espérait mieux que ce petit appart pourri qui sent l’humidité, que ce job de nounou pour une famille de riches expats. Elle porte en elle une colère qui la bouffe, une boule pesante qui est là depuis le viol collectif qui lui a laissé des marques sur le corps et un enfant dont elle ne sait même pas laquelle de ces ordures est le père.

 » Trente secondes de vert foncé pour les piétons contre cinq minutes de vert clair pour les voitures. Aucune justice, nulle part. La boule est très active ce soir. Elle cogne, elle cogne, elle casse aussi, des fissures partout. Un jour, elle va craquer. Non, elle ne doit pas, elle ne va pas craquer, elle ne leur fera pas ce plaisir, elle tient bon. Il le faut. Pour la vengeance. Pour le petit. Pour elle. Le feu devient vert. « 

Au village, tout ce savait, tout se racontait. Elle ne pouvait pas rester là, sous les regards, avec ce fils dont elle ne voulait pas et qui s’accrochait à elle comme un petit animal. Elle l’a laissé à ses parents, il est bien là-bas.
Elle est partie pour la Belgique et c’est froid, c’est dur, tout aussi violent qu’ailleurs mais bon, c’est sa vie maintenant et puis elle y a un copain, Gaston, qui l’aime et veut toujours la protéger de tout mais bon, il l’aime.

Le quotidien vaille que vaille bascule encore un peu plus le jour où son père lui demande de venir chercher Cosmin pour le prendre chez elle quelques semaines, le temps que sa mère se remette d’une vilaine fracture. Il n’y a aucune place pour cet enfant, ni dans son appartement, ni dans son travail mais bon, pas le choix elle obéit.

L’autrice alterne les voix. Tour à tour nous découvrons Adriana, ses parents et son fils, Cosmin, Stefan et Nina, ses employeurs, et la fille de ceux-ci. Et Gaston, l’amoureux. Tous nous parlent de leur quotidien, leurs tracas, angoisses, tristesses, colères. Il y a des joies aussi, heureusement, mais ces petites lumières sont fort ternes dans le ciel gris. Il y a ceux qui sont proches du point de rupture, ceux qui ont appris à composer avec ce que la vie offre et puis les enfants, qui voient tout sous un autre angle.

Il y a une mère qui n’a pas demandé à l’être, une autre qui n’arrive plus qu’à voir ce qu’elle a perdu avec la maternité, un homme qui voudrait une famille et puis un autre qui ne s’accomplit qu’au travail. Des profils variés tous un peu énervants par moments à qui, comme à nous, on aimerait offrir une éclaircie.


« La fragilité des funambules » de Verena Hanf aux éditions F.deville

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