Chroniques de livres

[Le podcast version texte] Sauvages #1 : féminisme et littérature jeunesse

Dans un souci de permettre à tou.te.s d’accéder au podcast Sauvages, je vous offre aujourd’hui le texte du premier épisode sur le féminisme et la littérature jeunesse.

Dans ce premier épisode, je vous présente trois livres :
Renversante de Florence Hinckel, paru à l’école des loisirs en 2019
Les vrais filles et les vraies garçons de Audren, paru chez Thierry Magnier en 2019
Moxie de Jennifer Mathieu, paru chez Milan en 2019

Bienvenue dans le premier épisode de « Sauvages ! », le podcast qui parle de livres qui font bouger les lignes.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, vous vous demandez peut-être pourquoi j’ai choisi ce titre pour mon blog et mon podcast.
Sauvage, c’est le mot qui identifie un animal qui n’a pas été apprivoisé, une plante qui naît d’une graine qui s’est échappée, là où personne ne l’a semée. Sauvage, c’est le mot que l’on donne à ce qui est différent de nous, ce qui nous effraie. Sauvage ! c’est le mot que l’on crie à une petite fille qui rentre à la maison les genoux égratignés. Sauvage, c’est le petit garçon qui a les cheveux longs. Osons nous approprier cette étiquette et offrir des représentations différentes. Soyons sauvages !

Chaque épisode se concentrera sur une thématique et pour ce premier épisode, j’ai choisi de vous parler du féminisme dans la littérature de jeunesse avec trois œuvres de fiction pour trois catégories d’âge. Il y en aura pour tous les goûts, à conseiller à tous, même aux adultes car je rappelle que ce n’est pas parce qu’on a dépassé l’âge du public cible que l’on n’a plus le droit de lire un livre et que lorsque l’on souhaite aborder un thème avec des enfants ou adolescents, c’est une très bonne idée d’aller voir ce qu’il se fait du côté des livres qui leur sont destinés. Ils sont rédigés par des auteurs et autrices qui ont su trouver les mots pour leur parler et leur expliquer des thèmes de façon à ce qu’ils les comprennent.

Je commence avec le roman « Renversante » de Florence Hinckel, paru en 2019 à l’école des loisirs dans la collection Neuf, qui est la collection conseillée aux enfants à partir de 8 ans, quand ils commencent à lire des petits romans tout seuls.

De par la collection, on peut donc penser que c’est un roman facile à lire et à comprendre en toute autonomie. Pour celles et ceux qui ne la connaissent pas, c’est une collection où les textes sont mis en page de manière très aérée, avec de grands interlignes et des illustrations. Parfaite pour commencer les romans.

« Renversante » est un excellent livre, on va voir pourquoi, mais par contre, je ne le conseillerais peut-être pas tout seul, pas comme lecture non accompagnée.

Renversante, c’est l’histoire de Léa, enfin surtout du monde dans lequel elle vit puisqu’elle nous le présente suite à une demande de son père de réfléchir à la façon dont la société fonctionne et aux inégalités qu’elle crée. Léa et Tom, son frère jumeau, vivent dans une société totalement à l’inverse de la nôtre puisque c’est une société matriarcale où les femmes sont au pouvoir. Ce sont les femmes qui occupent le plus de postes de dirigeants, qui sont les mieux payées, qui ont le plus de privilèges. Les rues et les écoles portent majoritairement des noms de femmes célèbres, la grammaire est également différente puisque c’est la règle du « féminin l’emporte » qui a été adoptée et les noms de métier, par exemple, sont par défaut féminisé : écrivaine, autrice, poétesse, etc.

Tout ce qui est féminin est célébré, tout ce qui est considéré comme masculin est moqué, décrié. Je vous lis un premier extrait :

« Avoir des règles, c’est la preuve qu’on est en bonne santé, et qu’un jour on pourra avoir une enfant si on en a envie. Heureusement qu’on fait la fête pour ça. Déjà que ce n’est pas pratique, alors si en plus il fallait en avoir honte et ne jamais en parler, ce serait horrible ! ».

Hahaha hum …

Il y a de belles trouvailles dans « Renversante » et aussi des choses qui devraient couler sous le sens comme dans cet autre extrait :

« Depuis la nuit des temps, ce sont les hommes qui s’occupent des enfants. C’est normal et naturel, puisque les femmes, elles portent les enfants dans leur ventre pendant neuf mois, puis elles les allaitent si elles veulent, ce qui les fatigue beaucoup. Elles n’allaient pas, en plus, s’en occuper le reste du temps ».

Et Léa poursuit, plus loin :

« Comme ça, les femmes ont le temps de mettre toute leur intelligence, leur délicatesse et leur finesse au service de la société ».

A bon entendeur …

Comme c’est une société matriarcale, les stéréotypes de genre sont totalement inversés. Donc par exemple, pour les couleurs, c’est bien toujours le rose qui est associé aux filles et le bleu aux garçons mais ce qui est différent, c’est que vu que ce sont les femmes qui sont le sexe fort, le rose est vu comme une couleur noble, une couleur de dominants donc il n’y a pas du tout de problème à ce qu’un homme porte du rose, par exemple, puisque c’est assez logique que le dominé souhaite s’approprier un code du dominant, ressembler au dominant, comme le fait que dans notre société il n’y a aucun problème à ce qu’une femme porte du bleu. Par contre, là où ça s’inverse, c’est qu’une femme est mal vue si elle porte du bleu justement dans ce monde-là puisque pourquoi un dominant irait « s’abaisser » entre guillemets à porter du bleu, qui est la couleur du sexe faible ? Léa s’en rend compte parce qu’elle joue avec un ballon bleu dans la cour de récréation, un ballon qui est à son frère, Tom. C’est d’ailleurs lui qui lui fait prendre conscience du problème. Je vous lis un autre extrait du roman :

« – Pourquoi les filles auraient le droit de « ne pas vouloir se mettre dans la peau d’un homme », alors qu’on exige de nous, les garçons, incessamment, sans nous demander notre avis, de nous mettre dans la peau des femmes? Il était furieux. C’est vrai, j’ai bien dû me rendre à l’évidence : dans notre société, la femme est un modèle, et l’homme en est une déclinaison. »

Voilà donc un exemple de stéréotype inversé que présente Florence Hinckel dans son roman. Un exemple facile à comprendre, je pense, parce que rose, bleu, c’est des codes que les enfants ont sans doute déjà intégrés malgré eux. Peut-être ont-ils même déjà été moqués en tant que petit garçon qui porte du rose ou que les petites filles ont déjà malheureusement intégrés l’idée qu’on veut faire passer que le bleu c’est la couleur des garçons. Donc ça c’est un code totalement compréhensible pour eux.

Là où j’ai plus de réserve, même si je suis sous le charme de ce roman que je trouve vraiment plein de bonnes idées et très bien écrit, c’est avec d’autres inversions de faits de société. Par exemple, ce n’est plus le mansplainning mais je ne sais plus comment c’est appelé mais on va dire du womansplainning. Ce n’est plus les hommes qui vont couper la parole aux femmes à tout bout de champ mais les femmes qui vont recadrer les mecs, les interrompre. Pareil avec l’appropriation de l’espace, c’est les femmes qui ont gagné la bataille et qui sont présentes partout, notamment dans les noms de rue ou dans la cour de récréation. On joue toujours au football dans la cour de récréation mais cette fois-ci, ce sont les filles qui y jouent, ce sont les équipes féminines de football qui sont les plus populaires, qui ont le plus de moyens. Ce sont donc les filles qui occupent la majorité de la cour de récréation avec leur ballon et les garçons restent sur le bord pour les regarder jouer. C’est à mon avis quelque chose qui pourra être très bien compris par les enfants, en tout cas par les filles qui se sont sans doute déjà rendu compte que le « terrain de foot » entre guillemets prenait beaucoup de place. Peut-être pas par les garçons car lorsque l’on a des privilèges, c’est parfois difficile de s’en rendre compte et de l’admettre. Mais si cette lecture est accompagnée, par exemple en lecture scolaire, cela permettrait d’amener le débat dans la classe et dans l’école !

Maintenant, le coup du mansplainning, je ne sais pas si c’est quelque chose dont ils ont déjà entendu parler, dont ils se sont déjà rendu compte à leurs âges. Il y a peut-être des enfants qui connaîtront déjà le mot mais je pense que ce sont des enfants qui évoluent dans un milieu familial qui leur a fait remarquer, où on leur en a fait prendre conscience. Je ne pense pas que ce soit une notion connue par tous les enfants. Voilà pourquoi je pense que cette lecture doit être partagée à plusieurs et que la discussion doit être ouverte.

Je laisse la conclusion à Léa :

« Grâce à mon père et grâce à Tom, j’ai compris que notre société était réellement sexiste. Très sexiste. Affreusement sexiste. Et que ça enlevait de la liberté et de la tranquillité d’esprit aux garçons. Mais aussi aux filles ! On se sentirait toutes et tous mieux dans une société égalitaire.»

On enchaîne avec un autre roman pour enfants intitulé « Les vrais filles et les vraies garçons » de l’écrivaine Audren, paru chez Thierry Magnier en 2019 dans la collection « En voiture, Simone ! » qui est une collection à destination des 9 ans et plus.

« Les vrais filles et les vraies garçons », c’est l’histoire d’une autre petite fille qui s’appelle ici Aretha. Dans la classe d’Aretha, les garçons et les filles ne se mélangent pas, ne s’assoient pas ensemble, ne se parlent pas. Et Aretha aimerait bien faire changer les choses parce que cela commence à ressembler à l’école que leur a décrite leur maîtresse, quand elle était petite et que les garçons et les filles allaient dans des écoles séparées.

Dans la classe d’Aretha, il y a donc deux groupes. Les filles, « regroupées » entre guillemets autour d’Aretha. Et les garçons, autour de Merlin. Merlin qui déteste les filles, n’a aucune envie de traîner avec elles parce que de toute façon, de quoi elles pourraient bien parler à part de poupées et de poneys ?

Mais dans la classe, il y a également Fergus. Fergus, comme son prénom l’indique, a des origines écossaises. Son papa a même déjà mis une jupe ! Enfin, un kilt. Mais pour les garçons comme Merlin, un kilt ou une jupe, c’est pareil. Fergus se dit féministe et s’intéresse à la question des discriminations sexuelles. Aretha, elle, n’en a jamais vraiment entendu parler mais commence à en discuter avec ses parents qui lui en apprennent beaucoup sur le sujet, notamment sur la condition des femmes dans d’autres pays.

Féministe, c’est un mot compliqué. Un mot de grandes personnes, qui peut faire peur. Mais Audren l’explique de manière simple et sous couvert de la fiction, ce qui est, je trouve, une excellente idée. Je vous lis un premier extrait :

« – Les féministes aimeraient faire disparaître les inégalités entre les hommes et les femmes dans le travail et dans la vie de tous les jours, expliquai-je. »

Aretha et Fergus se posent de posent de plus en plus de questions et aimeraient trouver les réponses, même si ce n’est pas toujours évident. Ils vont donc chercher l’aide des adultes, de leur maîtresse mais également des autres enfants qu’ils essaient d’amener les uns vers les autres. Ils se demandent ce qui peut pousser certains hommes à rabaisser les femmes et à les considérer comme des moins que rien. Ils n’ont que l’exemple de Merlin sous la main donc c’est de son côté qu’ils vont creuser et se rendre compte qu’il est influencé par son éducation et son vécu familial.

Petit à petit, ils entraînent toute leur classe avec eux. La réflexion se fait chez tout le monde, la maîtresse s’en saisi et les enfants travaillent même sur la question des inégalités de genre.

Voici un deuxième extrait :

« – La même éducation signifie que l’on offre les mêmes possibilités aux garçons et aux filles. Chacun a le choix de choisir ensuite ce qui lui convient, précisa la maîtresse. »

« Les vrais filles et les vraies garçons » est un très bon petit roman qui permet une initiation au féminisme à travers une chouette histoire. Encore une fois, c’est un roman qui serait très chouette à aborder en classe même si il peut également être lu en autonomie, bien plus aisément que « Renversante ». Mon seul petit regret est que j’aurais aimé un peu plus de démonstrations de ce que les garçons ont également à y gagner !

Je passe au troisième et dernier roman de cette sélection. Il s’agit de Moxie, un roman pour adolescents écrit par Jennifer Mathieu et dont la traduction est sortie chez Milan en 2019.

Moxie, c’est un mot issu du langage familier qui signifie aux Etats-Unis tripes ou même couille. Si on l’adjoint à une fille, cela veut donc dire qu’elle en a, qu’elle a un caractère audacieux et n’a pas peur de défendre ses convictions.

Moxie, c’est une autre histoire d’école. Mais comme on est chez les ados, c’est au lycée que ça se passe. Dans le lycée de Vivian, qui se trouve dans une petite ville des Etats-Unis, et qui est le lycée le plus macho au monde. J’espère que l’autrice a forcé le trait et ne s’est pas inspirée de sa propre école car j’espère vraiment que pareille école n’existe pas. Mais bon, nous sommes arrivés à un point où je n’ose plus vraiment croire en mes espoirs.

Dans le lycée de Vivian, les garçons de l’équipe de foot sont les rois. Le lycée entier tourne autour d’eux, la ville vit au rythme de la saison de foot. Tous les moyens financiers sont mis pour l’équipe de football, les pompom girls. Les élèves assistent aux présentations de l’équipe, aux entrainements, à tous les matchs. Les joueurs sont les rois, dans le sens où personne n’ose jamais rien leur dire, les profs ne leur font pas de remarque. Comme par hasard, la star de l’équipe de foot, le « meneur » entre guillemets des mecs, c’est le fils du proviseur donc évidement à celui-là on ne lui ferait jamais de remarque. Cette bande de mecs, pour le coup c’est vraiment le cliché mascu, c’est des décérébrés qui se croient les rois du monde. Pour situer un peu le niveau, leur insulte préférée envers les filles, c’est « va faire la vaisselle ». Ils l’usent à tout va, à peu près toutes les filles l’ont déjà entendue.

L’histoire s’ouvre sur une scène de cour où Mitchell, le fils du proviseur, roi du football, sort un bon « Va faire la vaisselle » à Lucy, nouvelle élève fraîchement débarquée dans cette petite ville qui n’accepte pas trop cette insulte, qui n’accepte pas qu’on lui parle comme ça et se rend malheureusement compte que les autres filles ne sont pas du tout étonnées. Et donc Lucy est nouvelle mais nous on vit l’histoire du point de vue de Vivian qui, elle, n’est absolument pas nouvelle, a toujours vécu dans cette petite ville, a toujours côtoyé les mêmes gens, a toujours vu sa vie réglée en fonction des matchs de foot et s’y est toujours rendue, d’abord en famille, ensuite entre amis, parce que même si elle n’aime pas du tout le foot ben c’est comme ça, y a pas d’autre chose à faire dans cette ville et, en plus, le vendredi soir quand y a match ce n’est même pas la peine d’espérer sortir manger un burger, tout est fermé, tout le monde est au match.

L’arrivée de Lucy dans son école va être une sorte de détonateur, elle va vraiment prendre conscience que ce n’est pas normal de laisser passer les insultes des garçons, c’est pas normal les t-shirts que portent les garçons qui sont mais vraiment les plus sexistes possibles avec des slogans très classes à base de « jolis jambes … tu les écartes pour moi ? ». Vivian prend conscience que ce n’est pas normal, elle prend conscience qu’une grosse partie du budget de l’école passe dans l’équipe masculine de football mais que l’équipe féminine, elle, doit se contenter de maillot complètement défraichi. Elle se rend compte que si les filles subissent des inspections vestimentaires, les garçons, eux, portent ce qu’ils veulent sans qu’on n’y trouve rien à redire. Donc en fait à certains moments dans la classe il y a, peut-être pas le proviseur mais son adjoint qui débarque et « bonjour mademoiselle, est-ce que je peux mesurer la longueur de ta jupe ? » ou une autre « ah bah qu’est-ce que c’est que ce top à fines bretelles, tu cherches à attirer le regard des garçons ». Les filles sont en plus stigmatisées parce que si leurs tenues sont considérées inappropriées, elles se retrouvent obligées de porter une espèce de survêtement si je me souviens bien, pas lavés, défraîchis, et doivent passer le reste de la journée de cours avec ça sur le dos. Donc c’est vraiment pointer du doigt les filles habillées de manière pas assez respectable selon la direction qui cherchent les garçons parce qu’évidement, les garçons ne sauraient pas se retenir de mater les filles … Et les garçons, par contre, rien n’est dit sur leur accoutrement, sur les messages vulgaires qu’ils portent. C’est quand même incroyable, j’espère vraiment que ce n’est pas tiré d’une histoire vraie parce que personnellement dans mon école secondaire, oui les filles avaient des remarques sur leurs tenues et on n’en était pas heureuses mais dans pareil cas les garçons en auraient eu aussi, c’est clair.

Donc Vivian prend conscience de tout ça, ça bout à l’intérieur, c’est la colère, ça déborde et ça déborde tellement qu’un soir où elle est énervée, elle doit faire quelque chose, elle ne peut pas rester comme ça et elle fait un fanzine qu’elle appelle Moxie. C’est une espèce de lettre de colère qu’elle fait de manière anonyme et qu’elle déposera ensuite dans les toilettes des filles du lycée et dans laquelle elle dit que si vous aussi vous en avez marre que les garçons soient les rois, portent des messages sexistes, dessinez des étoiles et des cœurs en noir sur vos mains et avant-bras vendredi pour venir au lycée.

Ça, c’est ce qu’elle fait quand elle est pleine de colère et puis, quand ça retombe, c’est pas qu’elle regrette mais elle se dit en fait si ça se trouve personne ne va le faire. Surtout qu’elle essaie d’en parler avec ses amis mais sa meilleure amie Claudia n’est pas du tout dans ce trip là. Elle voit Vivian avec un fanzine en main et est même un peu étonnée, elles en parlent le midi à la cafétéria et y en a deux-trois qui trouvent ça bien mais elles ne sont pas non plus hyper dedans. Vivian se rend compte que si même ses copines, qui sont quand même des chouette filles puisque ce sont ses copines, si même elles ne suivent pas, y a des risques que personne ne suive. Donc le vendredi, Vivian se dessine quand même des étoiles et des cœurs mais pas trop grandes, pas trop appuyées en se disant qu’elle verra ce qu’il se passe. Et finalement, elle est plutôt surprise parce qu’elle en voit quelques-unes qui l’ont fait, de manière discrète ou même pas du tout, comme Lucy qui, elle, en a dessiné des grandes et n’a pas du tout peur de se faire remarquer puisque d’ailleurs c’est ce qui va se passer, certains garçons vont voir les mains de Lucy et pour certains, dont, Mitchell, c’est peut-être bien elle qui est à l’origine du fanzine si elle ose parader comme ça.

Vivian va d’ailleurs se rapprocher de Lucy puisque Claudia, sa meilleure amie, n’est toujours pas dans le trip et ne s’est évidemment pas dessiné d’étoiles sur les mains. Je vous lis un premier extrait :

« – Je trouve ça super qu’elle se dise féministe.
Claudia ne répond pas tout de suite. Elle dort sûrement déjà.
– Oui, sans doute, affirme-t-elle enfin, et je sens qu’elle fait attention à ce qu’elle dit.
– T’en es pas sûre ?
Moi aussi je marche sur des œufs.
– Non, c’est juste qu’on n’a pas besoin d’étiquette. Le mot féminisme fait peur, il sonne pas très bien. Ça donne l’impression qu’on déteste les hommes. Je dirais que je suis pour l’égalité, c’est tout.
– Mais c’est bien ça le féminisme, non ? L’égalité des sexes ? Je crois pas que ça signifie qu’on refuse de sortir avec des mecs. Tu vois ce que je veux dire ? »

Donc ça c’est le premier fanzine mais il ne va pas y en avoir qu’un. Sans trop déflorer l’intrigue, il va se passer des choses à l’école qui vont faire que la rage de Vivian ne va pas s’éteindre, notamment et c’est quand même assez important, des cas d’agressions sexuelles, de frotteurs, de plaqueurs donc en fait les mecs trouvent ça très amusant de plaquer les filles contre les casiers et de se frotter à elles, de les peloter. Donc déjà ça c’est horrible mais en plus on se rend très vite compte que l’école ne réagit pas du tout à ces agressions.

Voilà donc pour le décor que j’espère vraiment exagéré, j’espère vraiment que ça ne se passe pas comme ça dans certaines écoles.

Donc déjà pour son fond, j’ai trouvé « Moxie » super intéressant parce que c’est très rare que dans la littérature et encore plus dans la littérature jeunesse on parle d’agressions sexuelles. Ici en plus on n’en parle pas comme d’un cas unique mais comme d’un fait de société, d’agressions à répétitions et par plusieurs personnes qui sont des garçons « normaux » et pas un mec louche caché dans une ruelle sombre. Et alors en plus, la forme, le style de Jennifer Mathieu, tout est là pour me plaire.

J’ai aussi beaucoup aimé les discussions que peut avoir Vivian avec son premier petit ami, Seth. Lui aussi vient d’arriver en ville et tombe sur le cul devant certains comportements. Il n’est pas comme les autres crétins et ne les cotoie pas. Mais Seth est un garçon et Vivian a parfois l’impression qu’il y a certaines choses qu’il ne comprendra jamais. Voici un autre extrait du roman :

« – Bien sûr, je sais que tu n’es pas comme eux, mais le problème, c’est que ces gars existent, et qu’ils sont ici. Et … ils sont très nombreux. (…) Je ne suis pas furieuse parce qu’il n’y a pas assez de gars bien. Je suis furieuse parce qu’il y a beaucoup trop d’abrutis. »

A travers son fanzine et les activités qui en découlent, Vivian va découvrir l’importance de défendre ses croyances et la force de la sororité. Voici un dernier extrait de « Moxie » pour terminer cette lecture :

« Je me dis que c’est ça être féministe. Pas humaniste ou égaliste, ou je ne sais quoi. Mais féministe, vraiment. Le terme convient tout à fait.
A partir d’aujourd’hui, ce sera mon mot préféré. Parce qu’en somme, ça veut dire des filles qui se soutiennent et qui veulent être traitées de façon égalitaire dans un monde qui n’arrête pas de leur répéter qu’elles sont inférieures. »

Voilà pour les trois romans que j’avais envie de vous présenter. Il existe évidemment d’autres ouvrages pour aborder le féminisme avec les plus jeunes, notamment des supers ouvrages documentaires. Je vous mettrai la liste de toutes mes recommandations sur mon blog mais en voici déjà quelques-uns que je vous conseille d’aller emprunter en bibliothèque ou d’acheter en librairie :

« Les femmes qui ont fait bouger le monde » de Katherine Halligan, « En avant les filles ! » de Sandrine Mirza, « Ni poupées, ni super-héros, on est des super égaux » de Delphine Beauvois, « La ligue des super féministes » de Mirion Malle, « Histoires du soir pour filles rebelles » tomes 1 et 2 d’Elena Favilli , « Culottées » de Pénélope Bagieu, et plein d’autres. N’hésitez pas à demander conseil à vos bibliothécaires et vos libraires.

C’est la fin de ce premier épisode de « Sauvages ! ». Merci si vous l’avez écouté jusqu’ici, j’espère qu’il vous a plu et vous a donné envie de rajouter des livres à votre pile à lire. On se retrouvera début octobre avec un nouvel épisode et une nouvelle thématique. D’ici-là, n’hésitez pas à me faire part de vos commentaires et suggestions. Vous pouvez me trouver le plus facilement sur twitter @meresauvage ou sur mon blog meresauvage.com.

A bientôt !

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