Romans pour adultes

Annabel – Kathleen Winter

Annabel - Kathleen Winter10/18, 2014 - Prix : 8,80€ISBN : 978-2-264062314

Dans Annabel, Kathleen Winter place son récit dans une petite ville du Labrador, région du nord-est du Canada, en 1968. Jacinta donne naissance à son premier enfant, entourée de ses voisines et amies. Tout se passe bien mais une fois les amies reparties, Thomasina, une voisine, demande à parler à Jacinta. L’enfant auquel elle a donné naissance n’est pas comme les autres ; il est hermaphrodite. Le bébé a un pénis (qui pourrait tout aussi bien se révéler être un clitoris proéminent), un seul testicule et un vagin.

Jacinta, tout comme Thomasina, serait pour que l’on laisse grandir son bébé comme il est, que l’on ne le touche pas, que l’on ne prenne aucune décision à sa place. Pourtant, cela serait peut-être plus facile de faire un choix, ne fut-ce que pour faciliter la vie quotidienne. Il ou elle ? Et comment doit-on appeler cet enfant ?
Ce sera Wayne, comme son père l’a décidé. Entre « une vérité angoissante et un mensonge rassurant », il a fait son choix. Ce sera un garçon, puisque c’est ce que l’on voit quand on le regarde. Bien sûr, cela ne fera pas tout seul, Wayne devra être opéré, devra prendre des hormones chaque jour dès l’adolescence.

Annabel traite donc d’un sujet que l’on ne connaît que très peu : les intersexes. Cela existe, on le sait, mais que ferait-on à la place des parents de Wayne ? Prendrait-on une décision à la place d’un être qui ne peut pas encore s’exprimer ? Oui mais si l’on ne décidait rien, comment ferait-on alors ? Imaginez le quotidien d’un enfant que l’on ne peut pas définir, le regard des autres, l’acceptation. Kathleen Winter ne juge pas les décisions de ses personnages mais présente deux parents aux avis opposés, deux parents que cette décision sépare, deux parents qui ont du faire un deuil.

Jacintha, qui voyait une fille dans son enfant, doit dire adieu à sa petite fille et accepter son fils. Treadway, lui, doit faire le deuil de l’image du fils qu’il avait. Wayne n’a aucun intérêt pour la chasse, la nature, tous ces trucs de garçons que son père lui propose. Wayne rêve de natation synchronisée, de belles robes de soirées, aime passer ses soirées avec Wally dans la cabine qu’ils se sont construit.

 » A Croydon Harbour, il n’y a nulle part où fuir la luminosité d’une journée d’hiver ou l’éclat aveuglant d’une journée d’été.Nulle part où se tapir en secret dans l’ombre, en compagnie de ses rêves. Et si vous êtes en panne de rêves ou si vous les avez perdus, aucun écran argenté ne vous aidera à les retrouver ou vous chuchotera comment en fabriquer de nouveaux. Il faut se débrouiller tout seul, à Croydon Harbour. Au chapitre de l’imagination, on est livré à soi-même et c’est ce que désirent la plupart des habitants de l’endroit. « 

Kathleen Winter utilise un langage poétique pour présenter une vie au plus proche de la nature – c’est d’ailleurs celle-ci qui guide chaque pas du père un peu bourru, limite asocial, mais terriblement fou de son enfant. L’auteur n’entre pas dans la tête de ses personnages, les sentiments ne sont qu’effleurés mais l’on n’a pourtant aucun mal à comprendre leurs choix, leurs peurs.
Un roman très fort qui n’est pas pour moi un énorme coup de cœur mais une très belle surprise. Un choc, des émotions très fortes et un sujet universel : l’acceptation de soi. A découvrir chez votre libraire dès ce jeudi 4 septembre !

2 252 commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *